Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/203

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vailler cinq mois pour se voir sifflées de la sorte ! » Je faisais un compliment de condoléance à mademoiselle Colbran : « Ah ! monsieur, le public est bien bon ; je m’attendais qu’on nous jetterait les banquettes à la tête. » En effet, les auteurs, que je ne croyais que plats, sont de plus sots. Elle m’a montré leur dédicace au roi, imprimée dans le livret. Ils ressuscitent tout simplement, à ce qu’ils disent, les grands effets de la tragédie grecque.

La musique du troisième acte, qui est une espèce de ballet en danse pyrrhique, est de M. de Gallenberg. C’est un Allemand établi à Naples, et qui a du génie pour la musique à danser : celle d’aujourd’hui ne vaut rien ; mais j’en ai entendu dans César en Égypte et dans le Chevalier du Temple, qui redoublait cette espèce d’ivresse produite dans la danse. Cette musique doit être une esquisse brillante, la mesure y acquiert une grande importance ; elle n’admet pas les détails d’orchestre où Haydn triomphe ; les cors y jouent un grand rôle. Le moment où César est admis dans la chambre à coucher de Cléopâtre a une musique digne des houris de Mahomet. Le génie mélancolique et voluptueux du Tasse n’aurait pas désavoué l’apparition de l’ombre au chevalier du