Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/229

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M. le marquis Santapiro, un ancien ami de Moscou, que je rencontre à Otrante, s’est trouvé assez considérable avec trente mille livres de rente et deux ou trois coups de sabre reçus en bon lieu, pour ne jamais flatter ni mentir. Je croyais cette originalité impossible ici ; Santapiro me détrompe. Après avoir promené trois ans en Italie ce joli petit caractère, Santapiro a généralement passé pour un monstre. Cet honneur l’a gâté. Il s’est mis à dire que la musique l’ennuie, que les tableaux dans un appartement lui donnent l’air catafalque ; qu’il aime mieux un pantin de Paris qui tourne les yeux qu’une statue de Canova ; et il a donné des concerts à Naples qui lui ont coûté deux ou trois fois le prix ordinaire, parce qu’il n’a voulu que des airs de Grétry, de Méhul, etc.

Santapiro a mis des échasses à son caractère. S’il fût resté dans le vrai, il eût été bien plus intéressant pour nous, mais bien moins homme d’esprit pour le vulgaire. C’est un être très-gai, très-imprévu, qui fait passer devant vous une foule d’idées, et nous en jugeons quelques-unes auxquelles, sans lui, nous n’eussions jamais songé.

Pendant la grande chaleur d’hier, couchés chacun sur un divan de cuir, dans une immense boutique qu’il a louée et fermée