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ROME, NAPLES ET FLORENCE

bons bourgeois de Rome : vingt-huit centimes sont, en ce pays, une somme assez importante pour écarter la canaille du dernier ordre. Le peuple romain est peut-être celui de toute l’Europe qui aime le mieux la satire fine et mordante. Son esprit extrêmement fin saisit avec avidité et bonheur les allusions les plus éloignées. Ce qui le rend beaucoup plus heureux que le peuple de Londres, par exemple, c’est le désespoir. Accoutumé depuis trois siècles à regarder ses maux comme inévitables et éternels, le bourgeois de Rome ne se met point en colère contre le ministre, et ne désire point sa mort : ce ministre serait remplacé par un être aussi méchant. Ce que le peuple veut avant tout, c’est se moquer des puissants et rire à leurs dépens : de là les dialogues entre Pasquin et Marforio. La censure est plus méticuleuse que celle de Paris, et rien de plus plat que les comédies. Le rire s’est réfugié aux marionnettes qui jouent des pièces à peu près improvisées.

J’ai passé une soirée fort agréable aux marionnettes du palais Fiano, quoique les acteurs cependant eussent à peine un pied de haut ; le théâtre sur lequel ils promènent leur petite personne enluminée peut avoir dix pieds de large et quatre de hauteur. Ce qui prépare le plaisir, et j’oserai dire