Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/51

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vraies. Voyez le Nabucco, tragédie en cinq actes et en vers magnifiques, de M. Jean-Baptiste Niccolini : c’est une allégorie contre Napoléon.

À ce moment de la discussion, tous les amants étaient arrivés à leur poste, et d’ailleurs je ne pouvais sans impolitesse marquée quitter l’homme aimable qui daigne me distinguer. De maudits gens de lettres étant survenus, on s’est mis, je crois, pour me faire honneur, à discuter les mérites d’un poëte français ; et quel poëte ! M. Jacques Gohorry.

Il s’agissait de savoir qui a le mieux imité Catulle, de M. Jacques Gohorry ou de l’Arioste. Faisant sur-le-champ violence à l’honneur national, je me suis déclaré pour l’Arioste ; mais ce n’était pas le compte des gens de lettres, qui voulaient briller. Ils se sont écoutés impatiemment les uns les autres, il y a eu des répliques aigres ; en un mot j’ai eu tous les agréments de la soirée littéraire. En France, je n’aurais pas desserré les dents ; mais un étranger doit toujours payer son billet d’entrée ; j’ai parlé et j’ai eu le plaisir de me sentir devenir aigre et presque impoli à mon tour. Au contraire, à Milan, mon âme était élevée et rassérénée quand Monti, Porta ou M. Pellico me faisaient l’honneur de me parler de vers.