Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/60

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Gli allôr ne sfronda, ed alle genti svela
Di che lagrime grondi, e di che sangue[1].

Pour les Italiens de nos jours, la prose ne saurait employer trop de mots afin d’être claire ; c’est ce qui fait qu’il est si difficile, par un jour chaud, de lire un de leurs bons auteurs. En revanche, ils ne comprennent pas à la lettre les charmantes petites allusions de Voltaire, de Montesquieu, de Courier, et ce qu’on pourrait appeler les sous-entendus monarchiques. Les Français doivent à leur galanterie, maintenant si passée de mode, l’habitude de ce style léger. Ici, l’amour est une chose fort sérieuse, et une Italienne se fâche ou ne daigne pas vous répondre si vous lui parlez d’amour avec légèreté. Si vous avez le projet de lui adresser quelques mots tendres à la première occasion favorable de la soirée, gardez-vous de hasarder des plaisanteries, ou même de rire de celles qu’on fait : regardez-la d’un air sombre.

Pour un lecteur italien, le piquant n’est que de l’inintelligible. Ils ne pardonnent l’ellipse que dans la passion violente ; ils

  1. Heureuse Florence ! m’écriai-je quand je vis le monument de ce puissant génie, qui, retrempant le sceptre des rois, en arrache un vain laurier, le met à nu, et montre aux peuples effrayés quelles larmes il fait couler et quels torrents de sang*.

    * Machiavel repose à Santa-Croce, à côté de Michel-Ange, d’Alfieri et de Galilée.