Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/61

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sentent le Corsaire et Parisina comme un Anglais, et, à l’heure qu’il est, n’ont pas encore compris les Lettres persanes. Malgré tant de prolixité, leur prose actuelle n’est rien moins que lucide. Que d’injures cette phrase va me valoir : je serai bue, stivale et somaro !

16 janvier. — C’est avec le plus grand sérieux que l’on traite la galanterie en ce pays, à peu près comme on parle à Paris d’affaires de bourse. Par exemple, madame Gherardi, la plus jolie femme peut-être qu’ait jamais produite Brescia, le pays des beaux yeux, me disait ce soir :

« Il y a quatre amours différents : 1o l’amour physique, celui des bêtes, des sauvages, et des Européens abrutis.

« 2o L’amour passion, celui d’Héloïse pour Abeilard, de Julie d’Étange pour Saint-Preux.

« 3o L’amour-goût, qui pendant le dix-huitième siècle a amusé les Français, et que Marivaux, Crébillon, Duclos, madame d’Épinay, ont esquissé avec tant de grâce.

« 4o L’amour de vanité, celui qui faisait dire à votre duchesse de Chaulnes, au moment d’épouser M. de Giac : « Une duchesse n’a jamais que trente ans pour un bourgeois. » L’acte de folie par lequel on voit toutes les perfections dans l’objet