Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/71

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sition triste et mystique que l’on remarque à Philadelphie ? — Je suis pour la gaieté, dit don Tommaso : un pays qui a des frontières vulnérables de Dunkerque à Antibes, peut-il avoir plus de liberté que ses voisins ? Si, par malheur pour nous, la haine pour le jésuitisme et les refus de sacrements faisaient tourner la France au protestantisme, on serait aussi gai à Paris qu’à Genève[1]. »

Au moment où la conversation allait tomber dans la politique, Crescentini est entré. Il raconte deux ou trois anecdotes qui prendraient trente pages. « Quand il fait beau à minuit, au sortir de l’Opéra, dit ce grand musicien, tout le monde chante à demi-voix en se retirant : le vulgaire chante les airs qu’il sait, l’homme qui a un cœur pour la musique les airs qu’il fait. Ses petites cantilènes ne sont qu’indiquées, mais elles sont d’accord avec la nuance actuelle de ses sentiments. Il y a plus de vingt ans que je donnai ce moyen d’espionnage à la Lambertini, alors si jalouse de l’aimable marquis Pepoli, celui qui mettait ses chevaux au galop sur le bord de la Brenta, et du haut de son char antique (biga) se jetait dans la Brenta par un salto

  1. L’amour du beau et l’amour mettent à jamais l’Italie à l’abri de la tristesse puritaine ou méthodiste. Probablement en ce pays l’existence des arts tient au papisme.