Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/85

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Semblables à leurs pères du moyen âge, les Italiens de 1830 aimeront passionnément la liberté, mais sans savoir comment s’y prendre pour l’établir. Ils feront d’abord, comme il est indispensable, des gouvernements révolutionnaires, mais jamais ne pourront renvoyer ceux-ci pour faire marcher un gouvernement constitutionnel ; leur jactance les empêchera d’imiter la France[1].

Il faut quitter Bologne, cette ville de gens d’esprit. Depuis quinze jours, j’avais très-bien trouvé le genre de vie convenable à mes goûts et aux plaisirs qu’offre le pays ; ce n’est pas peu. Le voyage le plus agréable offre bien des moments où l’on regrette la douce intimité de la société habituelle. Le désappointement est d’autant plus sensible que l’on se figure communément qu’un voyage en Italie est une succession non interrompue de moments délicieux. Il ne suffit pas pour tuer des perdreaux qu’un pays abonde en gibier, il faut encore se promener un fusil à la main. Les trois quarts des voyageurs ne connaissent que les plaisirs de la société, et ne sentent pas ceux des beaux-arts. Certains riches indus-

  1. En 1822, à Naples comme en Espagne, l’on se moquait outrageusement de la tête légère des Français, qui n’avaient su conquérir qu’une demi-liberté, et ce en payant deux fois plus d’impôts qu’en 1789.