Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/152

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Il était parfaitement de bonne foi. Les gens des antipodes, regardant la lune lorsqu’elle n’a qu’un petit croissant pour nous, se disent : Quelle admirable clarté ! la lune est presque pleine ! M. le comte Daru, membre de l’Académie française, associé de l’Académie des sciences, etc., etc., et moi, nous regardions le cœur de l’homme, la nature, etc., de côtés opposés.

Une des admirations de Michevaux, dont la jolie chambre était voisine de la mienne, au second étage de l’hôtel des Lillois, c’est qu’il y eût des êtres qui pussent m’écouter quand je parlais musique. Il ne revint pas de sa surprise quand il sut que c’était moi qui avait fait une brochure sur Haydn. Il approuvait assez le livre — trop métaphysique, disait-il ; mais que j’eusse pu l’écrire, mais que j’en fusse l’auteur, moi, incapable de frapper un accord de septième diminuée sur un piano, voilà ce qui lui faisait ouvrir de grands yeux. Et il les avait fort beaux, quand il y avait, par hasard, un peu d’expression.

Cet étonnement, que je viens de décrire un peu au long, je l’ai trouvé petit ou grand chez tous mes interlocuteurs jusqu’à l’époque (1827) où je me suis mis à avoir de l’esprit.

Je suis comme une femme honnête qui