Page:Stendhal - Vie de Napoléon.djvu/203

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d’État. On agitait là les affaires que l’on ne peut pas confier à cinquante personnes. C’était le vrai Conseil d’État. Ces conseils seraient tout, si on pouvait y faire entrer l’indépendance, je ne dis pas à l’égard du maître, mais à l’égard des ministres influents. Qui aurait osé dire devant le comte Montalivet que l’administration intérieure déclinait tous les jours ? que, chaque jour, l’on perdait quelqu’un des bienfaits de la Révolution ?

De la suppression de la conversation, il résultait que l’empereur avait quelquefois besoin d’épanchement, surtout la nuit. Il allait à la chasse des idées. Il lui en venait alors, que la méditation ne lui eût pas données. En satisfaisant ce goût, il sondait la personne à qui il parlait ; ou pour mieux dire, le lendemain, le politique se rappelait de ce que le philosophe avait entendu la veille. Ainsi, un jour, à deux heures, du matin, il dit à un de ses officiers : « Qu’arrivera-t-il après moi en France ? » — « Sire, votre successeur, qui aura peur avec raison d’être écrasé de votre gloire, cherchera à faire ressortir les défauts de votre administration. On déclarera un déficit pour les 15 ou 20 millions que vous ne voulez pas que votre ministre de l’administration de la guerre paye aux malheureux marchands