Page:Stendhal - Vie de Napoléon.djvu/218

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sommes de mémoire. Pendant ce temps, deux ou trois fois, il se tourne vers l’impératrice : « Hé bien, ces dames ne disent rien ! » Alors on chuchote deux ou trois mots à voix très basse sur les talents universels de Sa Majesté, et le silence le plus profond recommence. Trois quarts d’heure se passent, l’empereur se retourne encore : « Mais ces dames ne disent rien ; ma chère amie, demande un loto. » L’on sonne ; le loto arrive ; l’empereur continue à calculer. Il s’est fait donner une feuille de papier blanc et a recommencé tous les calculs. De temps en temps, sa vivacité l’emporte ; il se trompe et se fâche. Dans ces moments difficiles, un des hommes qui tirent les numéros du sac, baisse encore plus la voix. Sa voix n’est plus qu’un remuement de lèvres. À peine les dames qui l’entourent peuvent deviner les numéros qu’il appelle. Enfin dix heures sonnent ; le triste loto est interrompu et la soirée finit. Autrefois l’on serait venu à Paris dire qu’on revenait de Saint-Cloud. Cela ne suffit plus aujourd’hui ; une cour est une chose bien difficile à créer.

L’empereur eut un bonheur singulier : sa bonne étoile lui fit rencontrer un personnage unique pour être à la tête d’une cour. C’était le comte de Narbonne,