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d’ouvrir son théâtre. Le compositeur qui regrettait son chez-lui, n’eut pas la patience d’attendre que la permission fût obtenue : il quitta Londres avec onze morceaux de son Orphée, qui sont, à ce qu’on m’assure, ce qu’il a fait de mieux en musique de théâtre, et il revint en Autriche, pour ne plus en sortir[1].

Il voyait beaucoup à Londres la célèbre Billington, dont il était enthousiaste. Il la trouva un jour avec Reynolds, le seul peintre anglais qui ait su dessiner la figure : il venait de faire le portrait de madame Billington en sainte Cécile écoutant la musique céleste, comme c’est l’usage. Madame Billington montra le portrait à Haydn : « Il est ressemblant, dit-il, mais il y a une étrange erreur. — Laquelle ? reprend vivement Reynolds. — Vous l’avez peinte écoutant les anges ; il aurait fallu peindre les anges écoutant sa voix divine. » La Billington sauta au cou du grand homme. C’est pour elle qu’il fit son Ariane abandonnée, qui soutient le parallèle avec celle de Benda.

  1. Le hasard, le ciel, la Providence, etc. a refusé le sentiment de la musique aux hommes nés entre la Loire et la Moselle. Les plantes dont ils se nourrissent ont apparemment une qualité anti-musicale. On y a horreur de la solitude. Le premier des plaisirs est causer. On sent la musique à Toulouse et à Cologne. (Note ms. de l’ex. Mirbeau.)