Page:Stendhal - Voyage dans le midi de la France, 1930.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La Guyenne fut érigée en principauté en faveur du Prince Noir. Il régna sur le Poitou, la Saintonge, le Périgord, l’Agenois, le Limousin, le Quercy, l’Angoumois, le Rouergue, etc…

Pendant les onze années que ce grand homme passa à Bordeaux, il vécut avec toute la magnificence d’un souverain. Ses dialogues avec Duguesclin qu’il avait fait prisonnier à la bataille de Navarette seraient dignes, par la générosité et la grandeur, d’un roman écrit par le grand Corneille.

Quel dommage de n’avoir pas de place pour l’entreprise incroyable de Henry de Transtamarre qui, déguisé en pèlerin, ose pénétrer dans la prison de Duguesclin pour lui demander un conseil, et est sauvé par celui-ci de la vigilance du geôlier qui l’avait presque découvert.

[Jeanne], femme du Prince Noir, rivalisa de générosité avec son mari. Duguesclin, à qui elle donna 30.000 écus pour sa rançon, se jetait à ses pieds et lui adressait les paroles si connues :

« J’avais toujours cru jusqu’à présent, Madame, être le plus laid chevalier qu’il y eût en France, mais désormais j’aurai meilleure opinion de ma personne, puisque les dames me font des présents d’une si grande conséquence. »