Page:Stendhal - Voyage dans le midi de la France, 1930.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

porte de l’auberge ; je salue un peu les officiers en les dérangeant pour passer ; ils ne me rendent pas le salut.

La fenêtre de l’auberge est située vis-à-vis le petit palais d’Irun. Je n’ai rien rencontré en France dans ce voyage qui ait autant de style, c’est-à-dire qui parle tant à l’âme que ce petit palais, dont maintenant les cinq arcades sont bouchées par un mur grossier, percé de meurtrières. Un mur semblable garnit la porte. En allant voir l’église j’ai trouvé une barricade encore existante. Elle est formée de tonneaux hauts de huit pieds, apparemment pleins de terre, et passe par une sorte de poste. Les murs des maisons sont criblés de balles, et autant que je puis comprendre l’espagnol, parlé par des Basques, les carlistes occupent la crête d’une haute montagne tout près d’Irun. De tous côtés on aperçoit des meurtrières percées dans les murs et, autant que je puis me le rappeler, j’ai vu trois barricades. On a l’air en pleine guerre, mais en plus pleine misère.

Les soldats espagnols sont pleins de naturel et ne jouent pas la comédie ; de là leur air piètre. Comme le temps est à la pluie, ceux qui sont en sentinelle portent le fusil renversé et la crosse passée dans une des manches de leur redingote gris de