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En montant la rue d’Irun entourée de maisons délabrées et criblées de balles, on arrive à une place où je vois deux sentinelles et une cinquantaine de soldats de mauvaise mine en divers groupes. Au bout de la place au midi, se trouve un petit palais faisant face au nord.

Je vais passer pour mauvais Français, mais puisque j’ai fait la gageure de préférer la vérité à la bonne réputation, il faut bien dire que, depuis longtemps, je n’ai rien vu qui ait autant de style, qui parle autant aux parties nobles de l’âme. Une maison qui serait revêtue de pièces de 40 francs attachées avec des clous n’aurait pas de style à mes yeux, mais à ceux des épiciers de province, elle parlerait un langage bien éloquent. Hé bien, un bâtiment énorme est à peu près la maison revêtue de pièces de 40 francs ; elle dit : Il a fallu beaucoup d’argent pour me faire.

Ainsi, je suis tellement ennemi de ma patrie et mauvais Français que le petit palais d’Irun me fait beaucoup plus de plaisir que le grand théâtre de Bordeaux.

Ce palais a cinq portiques à voûtes rondes fermées par quatre piliers ; au-dessus, règne un beau balcon d’une architecture large et accentuée ; il est soutenu par des pierres figurant des bouts de poutre. Au-dessus de chaque fenêtre un triangle (les