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— Marseille, 10 mai 1838[1].

Commerce. — Je demande la permission de parler de mon commerce. La facilité avec laquelle on fait des affaires à Marseille m’étonne toujours. Après Marseille, pour la facilité vient Nantes.

Les plus durs à la détente, si l’on me permet ce mot de comptoir, sont Bordeaux et surtout Le Havre.

Voici comment j’explique cette différence. À Marseille, tout le monde travaille sur ses capitaux. La majeure partie des négociants a 80.000 et, par le crédit, fait des affaires pour cent mille écus.

Au Havre, des jeunes gens qui n’ont que du talent et le besoin d’un certain luxe, travaillent avec de l’argent fourni par le commanditaire. Il faut : 1o servir

  1. En 1838 on loge à Marseille à l’hôtel des Bouches-du-Rhône, point assez riche pour se moquer des voyageurs. Dîner chez Ducros, rue Vacon, no 19. Café aux Mille Colonnes, cohue, et chez Bodoul, rue Saint-Ferréol, la haute bourgeoisie du pays. Mme Camoin cabinet littéraire ; il y régne un silence profond. Ce matin sont venus des Anglais qui, fidèles à leur règle de conduite (offenser pour montrer supériorité de rang) se sont mis à parler haut d’une petite voix affectée. C’est une nation estimable, mais bien désagréable (tout leur déplaît ; ils voudraient que tout le monde fût fait comme l’Angleterre et ils fuient sans cesse cet home sweet home, tant loué par eux).