Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/104

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elle l’eût égarée, perdue peut-être à jamais, si, pour mon vrai bien, de vives douleurs ne m’eussent avertie, à temps encore, qu’un état aussi excessif n’était pas de la condition humaine, et que j’avais reçu, que tous, grands ou petits, nous avons reçu de Dieu des facultés dont l’égoïsme à deux, si haut, si généreux, si divin parfois qu’il paraisse, ne saurait être l’objet ni la fin.

Et c’est pourquoi j’ai tenu à raconter l’histoire de ma chienne sauvage, de ma Diane fière et farouche.

L’année suivante, je ne la vis pas. On me dit qu’elle était morte en mon absence, pendant les grands froids de l’hiver. Mais il me resta des soupçons. Le vieux Chessous, en me disant cela, avait l’air de rire sous cape. Je me suis toujours imaginé depuis, en y pensant, que, par mesure de prudence, de crainte de la rage sans doute, il avait été chargé par mes parents de faire disparaître, avant notre retour, ma Diane bien-aimée.

Un autre intérêt, tant soi peu romanesque aussi, de ces mêmes années, une attente qui me causait de vives émotions, c’était la venue régulière, à la saison d’automne, d’un petit colporteur qui nous arrivait d’Auvergne avec son camarade. Celui-ci, tout barbouillé de suie, comme il convenait, jetant bas son bonnet et sa veste couleur ramonat, sa raclette à la main, grimpait aux cheminées. L’autre portait sur