Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/125

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mande, d’esprit hardiment rationaliste et d’âme chaleureuse, dont Rachel Levin — celle qui fut plus tard madame de Varnhagen, — était vers cette époque le type brillant[1].

L’élève de mademoiselle Mendelssohn était extrêmement belle. Encouragée par sa gouvernante, à qui plaisaient sans doute mon air germanique et la facilité avec laquelle je parlais l’allemand, Fanny s’asseyait toujours auprès de moi et semblait, bien qu’elle fût mon aînée, rechercher mon amitié comme une protection. Moi, j’étais attirée par la douceur de ses grands yeux noirs, par ses manières craintives et caressantes, par ce je ne sais quoi de fatal, peut-être, qui déjà reposait sur son front et qui agissait sur mon imagination mystérieusement[2].

  1. M. de Varnhagen, dans ses Denkwürdigkeiten, parle d’Henriette Mendelssohn avec une vive sympathie. Il décrit d’une manière très-agréable les heures qu’il passait à Paris dans son cercle intime, où se rencontraient des personnes telles que madame de Staël, Benjamin Constant, Humboldt, Spontini, etc. Il parle du pensionnat qu’elle dirigeait avant d’entrer dans la maison Sébastiani. Entre les jeunes élèves qui s’y distinguaient, il cite « la vive Félicie de Fauveau, la plus charmante image de la grâce et de l’élégance française ; Rosa Potocka, une rose polonaise de la plus ravissante beauté ; Lolo (?) Fould, d’un caractère à la fois plein de bonté et de fermeté, etc.
  2. Je crains que ceci ne paraisse bien germanique au lecteur français. Mais comment ne pas être attentive à ces sortes de prédispositions mystérieuses, lorsqu’on a été, comme moi, presque incessamment poussé par le sort ou par un secret penchant vers des êtres dont la vie et la mort ont été tragiques ? Comment ne