Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

besogne, employant volontiers à son profit le temps qui me restait disponible. Était-ce de ma part un bon office désintéressé ? Je voudrais le croire, mais une circonstance me revient qui ne me permet guère l’illusion. Comme on passait l’après-midi du samedi tout entière dans les classes de la rue de Grenelle, chaque élève y apportait son goûter : du pain, le plus souvent, une flûte de gruau, une brioche tout au plus ; les habitudes du faubourg Saint-Germain étaient à cette époque extrêmement modestes. Seule ou presque seule, la fille du général Sébastiani arrivait amplement pourvue d’un assortiment de pâtisseries qui, je dois l’avouer, excitaient au plus haut point ma convoitise. Dès l’enfance, et pendant tout le cours de mes années, j’ai été, tour à tour ou tout à la fois, singulièrement frugale et singulièrement friande, d’un appétit très-vif, mais très-vite rassasié, ne se laissant jamais emporter au delà du vrai besoin ; s’accommodant, selon l’occasion, de la plus rustique pitance, ou prenant son plaisir aux raffinements des tables diplomatiques. Les nougats et les babas de la fille du général, les libéralités qu’elle m’en faisait eurent donc, j’ai tout lieu de le craindre, leur part, leur grande part dans ma générosité intellectuelle. Quoi qu’il en soit, le plus agréable commerce s’établit ainsi entre nous. Les notes de plus en plus étendues que je prenais pour Fanny me valaient des gâteaux de plus en