Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/128

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plus savoureux. La gouvernante fermait les yeux, ou souriait à ce libre échange, et tout allait à souhait. Par malheur ce ne fut que pour une saison. L’an suivant, Fanny ne reparut plus dans la rue de Grenelle. Je ne la rencontrai plus ; je n’entendis plus prononcer son nom, et je l’avais oublié lorsque trente ans plus tard, en 1847, il retentit soudain à mon oreille avec un éclat sinistre. On se rappelle l’émotion publique causée par la mort tragique de la duchesse de Praslin. Elle me causa à moi-même une impression très-forte et qui raviva tous mes souvenirs.

Qui m’eût dit, en 1817, dans cette enfantine relation de la rue de Grenelle, où nous mettions en commun des gâteaux, des devoirs de géographie, etc., qu’un jour viendrait où une autre relation, celle-là historique et grave, s’établirait entre nous à travers la tombe ! Qui m’eût présagé, à moi la jeune fille royaliste, destinée à la vie du monde et de la cour, que j’écrirais l’histoire d’une révolution populaire, et que, en en retraçant les causes prochaines, il m’arriverait de raconter en ces termes la mort de ma douce et belle compagne !

« Une femme encore belle et de mœurs irréprochables, fille d’un maréchal de France, fut assassinée avec une atrocité sans exemple par son mari, le duc de Praslin, qui n’échappa que par le suicide à la juridiction de la cour des pairs. Cet événement mys-