Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/173

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au charme mélancolique de la vie des cloîtres. Ce charme agit sur les jeunes âmes d’autant plus qu’elles ont en elles plus de facultés poétiques et une plus fervente ardeur d’aimer[1]. Il m’enveloppa si bien qu’il faillit me retenir.

— Mais je n’en suis pas encore là, et je reviens à la première heure de mon entrée dans les classes de l’hôtel Biron.

J’en vois d’ici le tumulte. On était en récréation. La religieuse qui présidait aux amusements déclara, en me nommant aux élèves, qu’en l’honneur de la nouvelle elle accordait une prolongation d’un quart d’heure. Une acclamation bruyante lui répondit. On m’entoura, on me fit fête. On m’ouvrit les rondes : Nous n’irons plus au bois ; La tour, prends garde, etc. On me mit au courant des jeux que je ne connaissais pas ; on me bombarda de questions : Quel âge avez-vous ? Dans quelle classe entrez-vous ? Combien de temps resterez-vous ici ? L’une des élèves ayant dit aux autres que j’allais avoir ma chambre à moi, les étonnements n’eurent pas de fin. À mesure qu’on se familiarisait, malgré mon extrême réserve, on me faisait des décla rations d’amitié. On louait mon air doux ; on pronos-

  1. On dirait qu’aux approches d’un temps où la vie monastique n’aura plus de raison d’être, et où les couvents catholiques disparaîtront, ce charme, comme tout ce qui va finir, a exercé une action plus vive. Il faut relire les aveux de madame Roland, de Lamennais, de George Sand, d’Ausonio Franchi, de Lacordaire.