Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/174

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tiquait que j’allais être d’agréable compagnie. Avant la fin de la récréation, on m’avait inventé un surnom qui n’avait rien de fâcheux . Ma future camarade de classe, Marie de Menou[1], ayant spontanément découvert l’anagramme de mon nom de famille, elle m’appela aussitôt d’un nom barbare et fier, qui sentait son héroïne de roman du Nord : la belle Yngivalf. Assez déconcertée d’un accueil et d’un succès qui contras- taient étrangement avec mes succès du Bundestag, ne sachant s’il y avait dans cette appellation, la belle Yngivalf, plus de sympathie ou de moquerie, j’éprouvais un certain malaise à la vue de cet essaim bourdonnant de jeunes filles, mal attifées dans leur uniforme de mérinos amarante singulièrement bigarré, selon les classes, de rubans jaunes, verts, bleus ou blancs, les cheveux mal peignés retenus dans de vilains filets noirs, mal chaussées, mal tenues enfin des pieds à la tête. J’éprouvais encore un autre embarras qui me venait, celui-là, de ma modestie.

On m’avait demandé dans quelle classe j’allais entrer. Je n’en savais rien. Je me figurais, je ne sais pourquoi, que les élèves du Sacré-Cœur étant nécessairement très-savantes, je me verrais reléguée parmi les petites filles, dans les classes inférieures ; je rougissais à l’avance de la confusion qui m’attendait et j’en dormis fort mal à l’aise la première nuit. Mais, à ma

  1. Depuis comtesse de Luppé.