Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/176

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croyable aujourd’hui, et qui n’existe jamais, au même degré, ailleurs que dans les institutions religieuses. Le dédain professé des choses de ce monde et le mépris de la chair apparaissent là dans toute leur absurdité. Je le dirai, non par rancune, car je n’ai emporté de mon séjour au couvent que les meilleurs souvenirs, mais par devoir d’avertissement: on ne saurait rien se figurer de plus insuffisant, de plus négligé, que la nourriture et les autres soins du corps dans les pensionnats tenus par des nonnes.

Un médecin, choisi pour sa dévotion encore plus que pour sa renommée, le docteur Récamier, avait, au Sacré-Cœur, la haute direction de l’infirmerie, et l’on ne pouvait s’empêcher de remarquer, sans toutefois en rien conclure, qu’il mourait entre ses mains un nombre disproportionné de jeunes élèves. Il ne paraissait pas d’ailleurs s’inquiéter de notre régime. Nos repas ne péchaient pas seulement par l’absence d’aliments substantiels et d’une boisson salubre — nous ne mangions à l’ordinaire que du bœuf bouilli, des haricots blancs, des choux, du lard, etc… nous ne buvions que de l’eau ou du mauvais vin frelaté — ils étaient encore accommodés de telle sorte par les sœurs converses, les viandes en étaient si desséchées par la cuisson ou si arrosées d’une graisse nauséabonde, que, malgré nos jeunes appétits, la répugnance l’emportait le plus souvent et nous réduisait au pain sec. La paresse, l’éco-