Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/182

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petite vérole ; mais la grâce était dans toute sa physionomie, dans tous ses mouvements : une grâce ineffable, qui passait de son regard à son sourire ; de son sourire au geste lent et triste qui ramenait son voile à son front ; de son geste à sa voix, pâle comme son visage, quand elle murmurait au pied de l’autel, au son de la cloche du soir, la salutation angélique. D’un sang fier, et qui montait à sa joue en subites et vives rougeurs, mais ployée sous je ne sais quel poids invisible, madame Antonia passait dans nos classes, elle glissait plutôt qu’elle ne marchait au milieu de nous, enveloppée d’un mystère que nous eussions voulu, mais que nous n’osions pas deviner, tant elle nous inspirait de respect. Sa sœur Eugénie, altière dans sa petite taille bossue, avec ses yeux gris et secs, avec sa voix fêlée, ses longs doigts osseux et son dur accent de commandement, la traitait de haut ; les autres religieuses lui parlaient peu. Il était souvent question de son départ pour une maison de province. La pensée qu’elle pouvait nous quitter me désolait, et pourtant je ne lui parlais guère non plus, si ce n’est pour lui répondre à la classe. Mais ce peu avait sufli pour lui gagner toute mon affection. Elle aussi, elle avait, en me reprenant, une douceur d’accent très-sensible. Quand il lui fallait me louer devant mes compagnes, on eût dit qu’elle en rougissait pour moi d’une timidité pleine de candeur ; et quand, après les offices du