Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/187

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de ne pas voir à mon cou la médaille et le ruban des Enfants de Marie. C’étaient des insignes honorifiques accordés à la régularité de la conduite, et qui donnaient certains droits, avec une grande autorité morale dans le pensionnat. Les Enfants de Marie formaient, entre le pensionnat et la communauté, une petite congrégation à part, qui avait ses règles et ses rites. En apparence, les sages, comme on les appelait, n’avaient d’autre but et d’autre office que de donner le bon exemple, en pratiquant une vertu plus parfaite.

En réalité, elles avaient mission de surveillance sur leurs compagnes. Elles pratiquaient le système de délation, de police mutuelle sainte et sacrée, qui fait partie de l’éducation des jésuites[1]. À plusieurs reprises déjà, depuis mon arrivée à l’hôtel Biron, on m’avait insinué que j’étais plus qualifiée que personne pour l’admission aux Enfants de Marie. Moi si sage, si exemplaire en toutes choses, quels services ne pouvais-je pas rendre à la communauté ! J’avais toujours fait la sourde oreille. Appartenir à une police quel-

  1. La dénonciation, dit M. Huber, est élevée au rang d’un devoir sacré. Grâce aux affiliés, elle s’exerce dans la société laïque, aussi bien que dans la Compagnie. Elle a des espions dans les familles. Elle en a surtout dans les cours auprès des souverains. À Rome, les cardinaux, les prélats, les ambassadeurs, le pape en sont entourés. La confession est un bien grand moyen ; ils confessent à tout moment, à l’extérieur comme à l’intérieur. L’officine d’informations fonctionne nuit et jour pour le général. « Nul monarque, a dit Spittler n’est aussi bien renseigné que le général des jésuites.»