Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/203

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mains, mon amie Fanny et moi, nous étions fort remarquées ; à notre entrée au parloir on faisait silence. Plus grandes que la plupart, plus formées, plus usagées que nos compagnes, d’une beauté que ne parvenaient pas à dissimuler entièrement les laideurs de l’uniforme[1], nous attirions les regards ; charmés de mon air doux, les parents commençaient à s’informer de ma fortune. Les élèves et même les religieuses me répétaient en récréation les propos flatteurs tenus sur mon compte pendant le parloir.

Dans mes jours de congé, je n’avais pas moins d’agrément. On me comblait de louanges et de caresses. Outre ma grand’mère Lenoir qui m’emmenait avec elle quand elle voulait, je sortais, comme je l’ai dit, par permission spéciale, chez ma sœur Auguste et chez la princesse de la Trémoïlle.

La princesse de la Trémoïlle, bien qu’elle en eût voulu à mon père de sa mission pacificatrice dans la Vendée, m’avait prise en très-grand gré et me le marquait à tous propos. Elle vantait mon esprit, elle lisait tout haut les billets que je lui écrivais de l’hôtel Biron

  1. Les religieuses nous faisaient faire à Fanny et à moi des pèlerines plus longues qu’à nos compagnes. Madame de Marbeuf, à qui Fanny s’en plaignait un jour, lui répondit que pour les enfants qui n’avaient encore rien là… il n’y avait pas d’indécence, tandis que pour nous !… Ce rien là, cette notion d’indécence attachée au développement et à la beauté des formes, m’ont paru plus tard, en y songeant, la plus triste des indécences