Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour lui annoncer ma visite, elle s’occupait déjà, je devais l’apprendre bientôt, de me trouver un bon parti ; elle venait à nos parloirs, ce qui faisait sensation. C’était à tous égards une personne considérable ; les religieuses avaient, en lui parlant, des révérences toutes particulières de langage et d’attitude qui me surprenaient, moi qui prenais au sérieux le mépris évangélique des grandeurs et l’égalité devant Dieu des filles de Jésus-Christ.

Les journées que je passais chez ma sœur Auguste étaient toujours trop courtes à mon gré, tant elle trouvait moyen de les bien remplir. Longtemps j’avais ignoré le nom et l’existence de cette sœur aînée. Jamais on ne parlait d’elle en ma présence. Notre mère, malgré ses propres souvenirs qui auraient dû la rendre indulgente sur ce point, ne pardonnait pas à sa fille. de s’être mariée sans son aveu.

Toute jeune et sous l’empire d’une passion mutuelle, Auguste Bussmann avait épousé le poëte catholique Clemenz Brentano[1] et, trois mois après le mariage, les époux, s’apercevant qu’ils ne se convenaient point, avaient divorcé. Madame Brentano avait alors quitté Francfort pour venir à Paris. L’oncle Bethmann n’avait pas cessé de la voir, malgré l’exis-

  1. Il devint plus tard très-célèbre ; sa sœur, Bettina Brentano, épousa M. d’Arnim et occupa toute l’Allemagne de sa correspondance passionnée avec Goethe.