Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/23

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de Du Bellay. Lui-même, et non sans grâce, il rime à l’occasion ; il est musicien ; il se peut vanter, dit-il, d’avoir mainte fois, aux sons de son luth, passionné diversement les escoutants. Son art de bien dire s’en accroît. D’elle-même sa phrase se rhythme ; l’harmonie naît sous sa plume. Il est coloriste aussi, imagier avec hardiesse. Veut-il décrire les Pyrénées, par exemple, il dira la pâle frayeur de leurs profonds précipices. Ailleurs, il racontera une entreprise consommée à la faveur d’une nuit sombrement endormie. Ailleurs encore j il exhortera son fils à brider le cheval indompté de la trépignante jeunesse. Il ne voudrait pas qu’à ce fils, fait prisonnier, il restât quelque gravier en l’âme. « Vouloir guérir, lui dit-il avec une fierté stoïque, c’est demi-guérison. » Il avise ce fils, peu résigné, paraît-il, que tout homme impatient aux adversitez piaffe volontiers, insolent, aux prospéritez. L’ordre des sentiments où notre chevalier du xvie siècle va puiser le plus souvent ses consolations n’a rien que de tempéré. À l’encontre des stoïciens, il permet la plainte, pourvu qu’elle se modère ; il cherche à toutes choses un bon aspect. Prisonnier lui-même, au retour d’Arques, il sait par expérience que l’on gagne en prison ; que son servage forcé donne l’esprit libre à l’estude. Dans sa ruine, dans ses pauvreté z, comme il écrit à la façon de nos modernes romantiques (il a été pendant ces guerres civiles misérablement deschiré ; il