Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/235

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on aura bien le temps, on aura toute la vie pour se connaître : c’étaient les axiomes reçus. En effet, si par hasard on eût découvert, de part ou d’autre, un vice quelconque sur lequel il n’y eût pas moyen de fermer les yeux; si le fâcheux caractère du futur époux éclatait dans ses visites quotidiennes; si sa maîtresse congédiée, reprenant par surprise l’ascendant de l’habitude , s’opposait à la célébration du mariage et menaçait d’un éclat; si l’on découvrait que la demoiselle a une fausse dent, de faux cheveux ; si l’on apprenait qu’elle a eu quelque petite intrigue, qu’elle a écrit quelques lettres imprudentes , quel embarras ! quel scandale !!

D’ailleurs ce temps des préliminaires est si fastidieux ! ces perpétuels essayages de robes, ces choix de cachemires et de dentelles, ces stations interminables dans les boutiques… la pauvre mère est sur les dents. Et ces assiduités de commande, ces dîners de famille où tout le monde se compose, ces félicitations menteuses, ces confidences plus menteuses encore ; et les sentences banales et les assurances de bonheur auxquelles personne ne croit, et jusqu’à cet insipide bouquet qu’apporte chaque matin le laquais du futur époux ! il tarde à tout le monde d’en finir. Un mois, c’est tout ce qu’on peut supporter d’une existence aussi contrainte. C’est le temps strictement nécessaire pour composer, pour faire exécuter la corbeille et le