Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/299

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gens. Elle continua, comme elle l’avait fait avec le duc de Berry, à s’occuper des arts, à protéger les artistes. Peu à peu, elle reparut en public ; on la revit au spectacle, elle se reprit aux amusements de son âge. Avec l’agrément du roi, elle patronna le théâtre du Gymnase, qui porta son nom. Une revue du monde élégant, la Mode, parut sous ses auspices. Elle fit dans les provinces de nombreuses excursions. Enfin elle prit goût à la plage de Dieppe. Elle y vint chaque année pour la saison des bains. Elle y attira beaucoup de monde. Loin des yeux de la Dauphine, elle osa s’émanciper davantage, être elle-même, c’est-à-dire enjouée, un peu frivole, mais bonne et charmante. On vit à ses côtés, et cela plaisait beaucoup, car le peuple aime presque également les faiblesses du cœur et ses générosités, les deux jeunes filles que son mari mourant lui avait léguées : les filles de l’Anglaise, comme on disait dédaigneusement à la cour. Elle ordonna des promenades en mer, des fêtes dans les ruines du château d’Arques ; elle porta des bijoux sculptés dans l’ivoire et donna ainsi un élan d’émulation à l’industrie dieppoise. Bref, elle se fit aimer, chérir ; elle eut là sa petite royauté, joyeuse et familière.

Une particularité de la plage de Dieppe, c’est la manière dont on y prend le bain. Point de petites voitures traînées dans la mer, comme à Ostende, mais des baigneurs attitrés, attachés au service de l’établissement,