Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dait des anciennes toute la fleur, la princesse raillait sans pitié la politique de transaction entre le passé et l’avenir[1]. La moindre concession l’offensait. Les Villèle, les Corbière, ne trouvaient pas toujours grâce devant ses yeux ; les princes, bien moins encore. Elle n’allait pas chez eux, se sentant reine ; jamais je ne l’ai vue avec personne sur un pied d’égalité. Son infirmité la servait en cela ; la lourdeur de son corps lui donnait comme le droit de rester assise ; elle en usait amplement pour accueillir du regard, du geste et du sourire, avec mille nuances de grande dame, les gens de sa cour.

Le salon de la marquise de Montcalm, politique comme celui de la princesse de La Trémoïlle, avait une physionomie différente. Il avait pris son importance au moment où le duc de Richelieu, frère de la marquise, était entré aux affaires. « Le jour où mon frère a été ministre, disait-elle, non sans amertume, tout le monde s’est avisé que j’étais une femme d’esprit. » Elle l’était, cela ne pouvait se nier ; et de plus, cultivée par le plus grand monde européen. D’un caractère noble, désintéressé, modeste au fond, comme son frère, et, comme lui, d’une

  1. Elle se moquait beaucoup des moutons de la majorité qui suivaient docilement, en tous pâturages, la voix du ministre. « Eh bien, monsieur de Villèle, quelle bêtise allons-nous faire aujourd’hui ? » disait-elle un jour, en contrefaisant un de ces ministériels, dont elle simulait l’entrée dans le cabinet du ministre.