Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/322

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Rossini son salaire et l’on se croyait quitte envers eux et envers lui. Dans quelques maisons plus modestes, dans les familles où la musique était cultivée par goût, non par simple convenance, les rapports entre les artistes et les gens du monde s’établissaient avec plus d’affabilité. Madame Malibran, après qu’elle avait chanté la romance du Saule, ou la cavatine de la Gazza Ladra, nous charmait par les grâces vives de son esprit. Le concert fini, elle restait volontiers après les autres artistes et s’animait à causer. Sa conversation était originale comme son talent. Elle ne laissait paraître au cune prétention, et je crois qu’elle n’en avait pas. Tout autre était mademoiselle Sontag. Gâtée par les adulations de l’Allemagne, entêtée d’aristocratie et de belles manières, avide de louanges, plus avide d’argent, et de fort peu d’esprit, elle essayait de jouer la grande dame et s’y prenait mal. Engagée pour un concert, elle arrivait à la fin, s’excusait à peine, chantait capricieusement, et n’avait pour ses admirateurs, s’ils n’étaient princes, ambassadeurs, banquiers, juifs ou directeurs des beaux-arts, qu’impertinence ou silence.

Dans les salons lettrés, où régnait encore Chateaubriand, on commençait à parler beaucoup du jeune Lamartine et du jeune Victor Hugo, sur qui le vieux René avait laissé tomber sa poétique bénédiction [1].

  1. Chateaubriand demandant un jour à M. Brifaut sa voix et son influence à L’Académie, pour la candidature de Victor Hugo :