Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/337

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affreux désastre, rien, absolument rien, ni dans la physionomie ni dans la conversation de M. de Polignac, n’aurait pu faire soupçonner à l’observateur le plus attentif qu’il dût y avoir dans son esprit une préoccupation quelconque.

Selon l’habitude anglaise qui depuis lors est venue aussi chez nous en usage, mon frère avait voulu s’exempter de toute représentation le jour de son mariage, et il avait décidé de partir ce jour-là même pour la Touraine, avec sa jeune femme.

Le prince de Polignac, qui était témoin de mon frère, vint au déjeuner de famille qui se donna chez nous après la messe. Il fut d’une bonne grâce parfaite et de la plus agréable humeur, avec une pointe de gaîté. Il causa familièrement de toutes choses et de toutes gens. Il s’occupa longtemps de ma petite fille Louise, alors âgée de deux ans et demi, et, l’aidant à ranger sur la table les animaux d’une belle arche de Noé dont sa nouvelle tante venait de lui faire présent, il lui expliqua avec une complaisance charmante la différence que le bon Dieu avait voulu mettre entre un chameau et un dromadaire. Je me rappelle aussi que le président du conseil, venant, je ne sais plus par quel hasard, à parler des élections, nous conta comme quoi il venait d’envoyer en Auvergne l’un de ses fils — un enfant de douze ans — avec son précepteur, afin d’y travailler, disait-il en souriant, l’esprit pu-