Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/35

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Bussmann, demeurait avec son enfant nouveau-né dans la maison paternelle. Lorsque mon père y vint, il était dans toute la fleur et dans toute l’ardeur de la jeunesse. Il voulut plaire, il y réussit. La jeune veuve allemande fut touchée des grâces de l’officier français. Un projet d’union fut vite formé, mais il ne rencontra pas l’agrément de la famille. Les Bethmann, orgueilleux qu’ils étaient de leurs richesses bien acquises et bien assises, entêtés aussi de protestantisme, de solide importance bourgeoise et municipale, ne pouvaient voir d’un bon œil la perspective d’une alliance avec un étranger, un Français, un catholique, un noble, un émigré, un soldat : de fort jolie figure, il est vrai, et d’esprit à l’avenant, mais qui ne possédait rien que la cape et l’épée, et que la révolution jetait à tous les vents, à tous les hasards de la mauvaise fortune.

On résolut d’opposer à l’inclination des amants tous les obstacles possibles. La situation d’un émigré autorisait les rigueurs. Sous prétexte d’irrégularité dans son passe-port, mon père reçut du magistrat l’ordre de quitter la ville, et, n’en ayant tenu compte, il se vit jeter en prison. Une telle violence, comme il arrive, ne fit que hâter le dénouement. La passion de la jeune veuve s’exalta. Offensée dans l’homme qu’elle aimait, elle alla le trouver sous les verrous. Elle y demeura un assez long temps, puis, rentrée dans sa maison :