Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/381

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bouda ; on eut peur ; on resserra les dépenses. Les hommes du gouvernement nouveau n’avaient ni le loisir ni la faculté d’improviser des salons. Madame de Lamartine, qui seule l’aurait pu, n’en avait pas le désir. À supposer qu’elle l’eût eu, elle était entourée d’un cercle de dames légitimistes qui lamentaient chez elle sur le malheur des temps, et ne l’auraient point aidée à reprendre les allures de la belle conversation. Quand vint le coup d’État, il n’y avait plus grand’chose à faire pour achever de déconcerter et de disperser la bonne compagnie.

Lorsque, au bout de quelques années, l’empire ramena le luxe et les fêtes, on s’aperçut que nos mœurs avaient entièrement changé, et que rien ne serait plus impossible que de faire revivre en France l’ancien esprit français.

Le monde d’autrefois n’existait plus. Se formerait-il un monde nouveau ? il n’y avait guère apparence. Sans parler des circonstances particulières à l’empire, qui s’opposaient à la formation des salons : la vie politique très-amoindrie, une cour sans ancienneté et plutôt cosmopolite que française[1] ; la condition générale des mœurs, l’instabilité des fortunes, le triompha

  1. Sans vouloir donner aux bruits de ville plus d’importance qu’ils n’en méritent, il faut bien dire que l’aspect de Napoléon lll n’avait absolument rien de français, et que ses manières tenaient de l’Angleterre ou de la Hollande beaucoup plus que de la France.