Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/413

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J’ai voyagé à la manière de mon oncle, c’est-à-dire seulement la nuit ; les diligences anglaises sont excellentes et il y en a un si grand nombre qu’il en part à toutes les heures du jour pour tous les points de l’Angleterre.

Maurice de Luz… est à Plymouth. J’aurais été jusque-là, si c’eût été dans la belle saison et qu’on pût voyager sur l’impériale ; mais dans l’intérieur on paye fort cher et on n’a pas l’agrément de voir le pays. J’ai bien regretté de n’avoir pas apporté mon parapluie avec moi. Ici, par le plus beau soleil, on ne peut pas sortir sans ce meuble qui est pour les Anglais comme un cinquième membre. Si vous n’avez pas de parapluie on vous regarde comme un imbécile ou un pékin. Comme il en coûte 36 ou 40 francs pour avoir la jouissance de porter cet instrument incommode, j’ai préféré n’être pas à la mode. Tout est horriblement cher, surtout les pourboires ; on ne peut pas donner moins d’un schelling, si bien que je ne sais pas encore de quelle couleur est le cuivre de ce pays-ci. Cependant je vais le plus à pied que je peux ; quand on prend un malheureux fiacre, il a le droit de vous demander ce qu’il lui plaît ; et si par malheur il s’aperçoit que vous êtes étranger, c’est fait de vous. J’ai assez la tournure anglaise, il n’y a que le ramage qui quelquefois ne ressemble pas au plumage. Je crois néanmoins avoir fait des progrès sensibles ; je commence à entendre ceux qui parlent intelligiblement ; mais il y en a qui me désespèrent, car je crois que de ma vie je ne les entendrai. Je vais assez souvent au spectacle ; j’en sais assez pour comprendre la majeure partie; ils ont de bons acteurs ; mais les pièces ne me plaisent pas beaucoup.

J’ai été chez M. de Bourke ; il m’a fort bien reçu, mais je n’ai pas encore l’avantage de connaître madame, attendu que toutes les fois qu’il m’a invité à dîner je me suis trouvé avoir d’autres engagements. Je te prierai de prévenir papa que j’ai touché vingt £ chez M. Baring le 29 novembre. M. Rotschild est ici le roi des banquiers. Ce qu’il y a de singulier, c’est