Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/54

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terre et des cailloux me donnèrent à l’horizon les montagnes ; avec de beaux coquillages rapportés de La Martinique par un chevalier de Lonlay, qui habitait tout auprès de nous le château des Belles-Ruries, je formai des grottes profondes que je tapissai de mousses et de lichens ; un morceau de miroir, irrégulièrement brisé, devint un lac limpide ; de petits sentiers sablés serpentèrent agréablement au travers de ces campagnes. La complaisance de mon père sourit à mes inventions. Il voulut s’y associer. Comme il était très-adroit de ses mains, il découpa pour moi dans le liège et le carton, il peignit avec un soin minutieux des fabriques de tout genre, qui rehaussèrent mon paysage. Nous y plaçâmes, dans la forêt, l’ermitage ; au bord du lac, la cabane du pêcheur; sur les hauteurs, le château qui, moyennant certains artifices, s’illuminait tout à coup le soir, et montrait à son balcon un large transparent fleurdelysé où se lisait en gros caractères le cri du loyal châtelain : Vive le roi ! — De proche en proche, mes ambitions montant toujours, il fallut faire venir de Nuremberg de grandes boîtes à jouets, toutes remplies de personnages et d’animaux forestiers, qui, répandus çà et là dans les parties sauvages de mes campagnes, leur donnaient un aspect plus sauvage encore. Puis, je voulus des cygnes, des bateaux sur mes lacs ; de belles dames en cavalcades par les chemins* et quand j’eus réalisé ce rêve, je me consi-