Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/63

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sant à notre chère maison du Mortier et à mon père.

On devine à quoi se rapporte tout ceci. Bonaparte avait débarqué au golfe Juan le 1er mars. Dans l’espoir d’arrêter sa marche rapide, le comte d’Artois partait pour Lyon le 6. Le lendemain, le duc de Bourbon se dirigeait vers les provinces de l’ouest, où il allait tenter d’opérer un mouvement. Mon père, qui se disposait à le suivre, sans augurer trop bien de la campagne, avait voulu, quoi qu’il arrivât, nous savoir en sûreté hors de France. Et c’est ainsi que Napoléon Bonaparte, en venant soudain ressaisir sa couronne impériale, en jetant par tout le monde le trouble et l’effroi, jetait du même coup, dans la paix de mon enfance, une première perturbation. Son épée conquérante, qui menaçait l’Europe, tranchait sans le savoir, dans l’ombre de mon existence, les premiers liens de l’habitude qui me rattachaient encore au berceau ; elle me tirait brusquement de ce premier rêve doré du matin, commencé par l’enfant dans la nuit du sein maternel.