Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/78

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parlais l’allemand des livres, avec un petit accent parisien dont se gaussaient ces jeunes Francfortois, comme je n’avais pas appris l’art du tricot et que je restais les mains vides, désœuvrée et décontenancée, dans le cercle tricotant de mes cousines, la station obligée, après les repas, dans le salon de ma grand’mère, devint pour moi une véritable disgrâce. Une mésaventure qui m’y arriva acheva de me faire prendre en grippe ce salon solennel. Un jour, au sortir de table, comme on venait de manger un excellent lièvre rôti dont on parlait encore, la vieille dame de Bethmann, ma mère ne se trouvant pas là, se tourna vers moi brusquement, pour savoir combien, à Paris, on aurait payé un tel lièvre. Qui fut en peine ? ce fut moi. Je savais comment on chassait les lièvres, j’ignorais absolument combien on les payait. Je balbutiai ; la vieille dame insista ; je dis jin chiffre en l’air, le cercle de mes cousines éclata de rire. Ma grand’mère fronça le sourcil. Par bonheur, on apportait le café à la crème, qui mit fin à la conversation et à mon ennui.

Une autre fois la chose fut de plus grande conséquence. Je ne sais trop comment, me trouvant seule au salon avec ma grand’mère, elle laissa tomber une maille du bas qu’elle tricotait ; et, comme elle avait coutume de le faire avec sa dame de compagnie, elle me mit dans la main son tricot et ses aiguilles. Lui dire que je ne savais pas relever une maille et lui