Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/87

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On en rira, je suppose ; mais n’importe. Je ne rougirai pas d’une superstition à laquelle je dois, peut-être, ce qu’il y a eu de meilleur et de plus haut dans ma vie morale.

J’ai parlé de la maison de campagne de ma grand’mère. Cette maison, qu’habite aujourd’hui mon cousin Moritz von Bethmann, est située, hors des anciens remparts, en vue de la porte de Friedberg et du monument érigé par le roi de Prusse, Frédéric Guillaume II, à la mémoire des soldats hessois qui furent tués, le 2 décembre 1792, à l’assaut des murs de la ville, occupée alors par Custine. Spacieuse, avec un très-grand jardin, cette belle demeure était historiquement consacrée par le séjour qu’y fit l’empereur Napoléon, lors de la retraite de Leipzig. À l’issue du combat de Hanau, l’empereur et son état-major passèrent sous le toit de mon aïeule la nuit du 31 octobre 1813. Mon oncle Bethmann et le sénateur Guiolett, maire de la ville (le même dont il est question dans les lettres de Goethe, comme étant le créateur des jardins, Anlagen, plantés sur les glacis), allèrent à la rencontre de Napoléon, à la tête d’un détachement de cavalerie de la milice, contenant ainsi, de leur présence, les dispositions hostiles de la foule très-excitée contre les Français vaincus[1].

  1. Goethe : Kunstschätze am Rheim, Main und Neckar 1814-1815.