Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/99

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vert la perdrix. Il la prend, il la tient dans ses belles dents blanches, avec une délicatesse incroyable. D’un geste, mon père me désigne à son regard. Mylord vient vers moi. Il dépose doucement sa proie ensan glantée dans ma petite main, grande ouverte ; mon père le flatte. Et tous quatre nous reprenons le chemin de la maison, où nos quatre appétits, aiguisés par l’air du matin, vont trouver leur compte au déjeuner copieux d’Adelheid.

Ce petit drame à quatre personnages se répétait fréquemment dans la saison d’automne. Dans la saison d’été, par les chaleurs, mon père allait beaucoup à la pêche ; et, comme on s’y fatiguait bien moins, il m’y menait toujours avec lui. Tantôt dans les étangs de l’ancien château de Bois-le-Roy, qu’habitait un de nos fermiers, on promenait la senne lente et sûre ; tantôt on jetait aux profondeurs limpides de notre pièce d’eau le brusque épervier ; tantôt enfin, et c’était là ma pêche de prédilection, nous nous en allions par les prairies, nous suivions sous le couvert des aulnes, dans l’ombre et la fraîcheur, les sinuosités du ruisseau. Il s’agissait de rapporter à la maison un buisson d’écrevisses.

Mon père, sur son épaule d’hercule, portait les filets ; un petit paysan éduqué par Marianne, et qu’on appelait mon page, parce qu’il me servait à table, avait la charge du panier qui renfermait les appâts. Moi, tout