Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vert — il venait de faire tailler, par dépit, une veste de chasse dans son uniforme vendéen, qu’il ne voulait pas, disait-il, traîner aux antichambres. — quand il prenait la tête au départ, dépasser de sa noble stature tous les chasseurs et, comme d’un naturel commandement, sans parler se faire suivre. Mais combien je préférais les apprêts tranquilles de nos chasses au chien d’arrêt ! quelle joie partagée, quelle intimité véritable entre moi et mes deux favoris : Mylord et Figaro, si différents d’allures et d’humeur, mais en cela si pareils qu’à l’envi l’un et l’autre ils voulaient me plaire ! il me semble d’ici les voir en quête dans le champ, le braque Figaro au poil ras, blanc, tacheté de brun, de pure race française, et le fauve épagneul Mylord, dont le nom dit l’origine ! Les voilà qui se déploient le nez au vent, et qui battent les sillons, l’un hâtif et brillant, à la française, l’autre calme, à la britannique. Dix minutes ont suffi à Figaro pour arpenter l’enclos dans tous les sens. Tout à coup, il tombe en arrêt, l’œil fixe, la narine ouverte, la queue en panache. Mon père, sans presser le pas, s’avance à portée de Figaro ; il fait un signe ; le chien a compris. Immobile jusque-là, il avance, la perdrix prend son vol, le coup part ; l’oiseau atteint du plomb va tomber dans une haie. C’est à l’épagneul alors d’entrer en scène et de montrer ses talents. D’un flair prompt et certain, au plus fourré des épines, Mylord a décou-