Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/128

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lement d’une chose essentielle, qui manquoit, depuis bien des années, au troupeau de son mari. — Il falloit aller chercher, à sept ou huit milles à la ronde, un secours qui étoit presque toujours tardif dans des cas ordinairement fort pressans ; et dans les nuits obscures de l’hiver, et par de mauvais chemins, ces sept ou huit milles s’alongeoient du double. Il auroit autant valu pour le village, qu’il n’y eût pas eu une sage-femme dans le monde entier. — La femme du ministre imagina donc de faire initier la discrète veuve dans tous les mystères de cet art. — Ce projet, soutenu par une pareille protectrice, ne pouvoit manquer de réussir. Elle en parla à toutes les femmes du canton, qui l’applaudirent ; et elle y mit tout le zèle que l’importance de la chose et son humeur bienfaisante lui suggérèrent. — L’élève y répondit ; elle fit des progrès rapides, et le ministre, qui jusques-là n’avoit point paru se mêler de l’affaire, la prit à cœur. — Il sollicita un brevet en forme, pour qu’elle pût, sans trouble, exercer son art, et paya généreusement dix-huit schellings, et quelque chose de plus, pour avoir cet important parchemin. Elle fut aussitôt installée dans sa charge avec tous les droits, profits, revenus,