Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/161

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pour toujours. — J’espère, dit Eugène en larmes, et du ton le plus tendre, j’espère que cela ne sera pas. » Yorick ne répondit qu’avec un regard, et en serrant doucement la main de son ami, pénétré de douleur. — « Courage, mon cher Yorick, s’écria Eugène en rappelant ses esprits et essuyant ses larmes, courage ! Un peu de cœur, cher ami. Ne laissez point abattre vos esprits ; que votre fermeté, dans le moment où vous en avez le plus de besoin, ne vous abandonne pas. — Et qu’est-ce qui connoît les ressources de la Providence, et ce que la puissance de Dieu peut faire pour vous ? » Yorick posa doucement la main sur son cœur, et remua la tête. « Je ne sais, dit Eugène fondant en larmes, je ne sais comment me séparer de vous. Je voudrois me flatter que vous êtes encore appelé à la place où votre mérite vous élevoit, et que je vivrai pour voir cet heureux événement. — Je vous prie, mon cher Eugène, dit Yorick en ôtant avec peine son bonnet de nuit, je vous prie de regarder ma tête. — Je n’y vois aucun mal, répliqua Eugène. — Hélas donc ! mon cher ami, souffrez que je vous dise qu’elle est si meurtrie par les coups qu’on m’a portés dans