Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/176

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raisonnable comme elle étoit, il n’en est pas moins malheureux qu’elle ait tourné contre moi d’une manière aussi défavorable : on sera touché de l’influence qu’elle a eue sur mon sort.

Mais je devois être formé, je devois naître apparemment pour essuyer des malheurs.

Ma pauvre mère, soit que ce ne fût que de l’air ou de l’eau, ou un composé de tous deux, ou peut-être ni l’un ni l’autre, et uniquement une simple imagination, une fantaisie, ou que quelque désir ardent en eût imposé à son jugement, soit enfin qu’elle se fût trompée, ou qu’elle eût voulu tromper mon père, et il importe assez peu de savoir quel fut son motif ; le fait est qu’à la fin de septembre 1717, l’année qui précéda ma naissance, elle obligea mon père d’aller à Londres avec elle, bien contre son gré. — Il insista l’année suivante sur la clause qui le favorisoit, et moi, je me trouvai destiné à n’avoir pour tout ornement saillant au visage, qu’un nez serré, comprimé, applati à l’unisson du reste, et comme si je n’en avois point du tout.

Et quelle suite de disgrâces, de chagrins, de mortifications, la perte, ou plutôt la mutilation de cette partie précieuse de moi-