Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même, ne m’a-t-elle pas fait essuyer dans tout le cours de ma vie !


CHAPITRE XVII.

Chagrins domestiques.


On s’imagine aisément que mon père ne revint de Londres à la campagne que de très-mauvaise humeur. — Les frais de ce voyage inutile excitèrent vivement ses regrets pendant les vingt ou vingt-cinq premiers milles, et il les reprochoit à ma mère. — C’étoit d’ailleurs la saison de l’année où il recueilloit les fruits de ses espaliers, dont il étoit fort curieux. — Si une bagatelle, une affaire de rien l’eût, dans un autre temps, appelé à faux à Londres, il n’en auroit pas dit trois mots à ce qu’il disoit.

Il ne parloit ensuite que de ses espérances trempées sur l’attente d’un fils. — Il y avoit compté : son fils Robert pouvoit lui manquer ; il auroit eu un second appui de sa vieillesse. — Sa déception, à cet égard, étoit plus mortifiante pour un homme prudent, que la perte de tout l’argent que le voyage lui avoit coûté. — Qu’est-ce que cent vingt guinées lui faisoient ? — Il les auroit moins regrettées que s’il eût perdu sa canne.