Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/191

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la noblesse d’une telle action, c’est le principe qui la fait faire ; c’est ce sentiment de l’amour paternel, c’est cette conviction de la vérité de l’hypothèse ; que si votre fils eût été nommé Judas, l’idée de sordidité et de fourberie, qui est inséparable de ce nom, l’auroit accompagné, comme son ombre, dans toutes les situations de sa vie, et l’auroit à la fin rendu un avare, un coquin, un scélérat, malgré vos instructions et votre exemple. »

Je n’ai connu personne qui ait pu répondre à cet argument. — Il faut l’avouer. Mon père avoit une telle manière de proposer ses raisonnemens, qu’il étoit difficile de lui résister ; il étoit né orateur. — La persuasion étoit sur ses lèvres. — Les élémens de la logique et de la rhétorique lui étoient si familiers. — Il devinoit si bien les foiblesses et les passions de ceux qui l’écoutoient, que la nature étonnée auroit pu se lever, et dire : cet homme est éloquent. — Enfin, soit qu’il fût du bon ou du mauvais côté de la question, il étoit dangereux de l’attaquer. Il n’avoit cependant jamais lu ni Cicéron, ni Quintilien de oratore, ni Isocrate, ni Aristote, ni Longin, parmi les anciens… ni Vossius, ni Skioppius, ni Ramus, ni Farnadé, parmi les modernes.