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Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/247

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gré passer la Meuse et la Sambre, insulter les lignes de Vauban, se porter sur l’abbaye de Salsines, revenir sur ses pas, et donner aux curieux qui l’écoutoient, une relation aussi distincte de chaque opération du siége, que de l’action où il eut l’honneur de recevoir sa blessure à la porte Saint-Nicolas.

Mais le désir d’apprendre est comme la soif des richesses, qui devient plus âpre à mesure qu’elle se satisfait. — C’est ce qu’éprouvoit mon oncle Tobie. Plus il étudioit sa carte, et plus il prenoit de goût à l’étude de l’art. C’étoit une source délicieuse où il buvoit à longs traits, sans cependant pouvoir étancher l’ardeur qui le dévoroit. Les fortifications de Namur ne furent bientôt plus suffisantes. La première année qu’il fut obligé de passer dans sa chambre, n’étoit pas encore entièrement révolue, qu’il n’y avoit peut-être pas une seule ville fortifiée en Flandre et en Italie dont il ne se fût procuré le plan. Il en lisoit les descriptions ; il les comparoit et les combinoit avec l’histoire des siéges qu’elles avoient soutenus, avec les ouvrages anciens et modernes qui en faisoient la force. Il y avoit tant d’aptitude, il s’y portoit avec tant de plaisir, qu’il oublioit sa blessure, son, dîner, et jusqu’à lui-même.