Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/263

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au projet de Trim, plus il étoit enchanté. Il s’en falloit encore plus de deux heures qu’on ne vît le jour, qu’il avoit déjà pris sa résolution. Il avoit concerté avec Trim tous les moyens de décamper, dès le lendemain, avec sûreté.

Mon oncle Tobie avoit une jolie maison de campagne dans le village de Shandy, qui appartenoit à mon père. Elle lui venoit d’un legs qu’un vieil oncle lui avoit fait, et pouvoit lui rapporter cent livres sterling de revenu. Il y avoit derrière cette maison un potager d’environ un demi arpent, et au bout de ce potager, étoit un beau tapis verd qui servoit de jeu de boule. Il étoit à-peu-près de l’étendue que le souhaitoit Trim. Une haie épaisse d’ifs le séparoit du potager. Trim n’eut pas sitôt désiré d’avoir un demi-arpent de terre pour y faire ce qu’on voudroit, que ce jeu de boule, sur un tapis verd, se présenta tout-à-coup à l’imagination de mon oncle Tobie ; et c’est-là ce qui fut la cause physique de son changement de couleur, de ce vermillon foncé qui se répandit sur son visage.

Jamais amant n’eut un désir plus vif de revoir sa maîtresse chérie, que celui dont mon oncle Tobie se sentit animé pour mettre