Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous de l’exemple que je viens de citer ! Il vaut tous les traités de philantropie qu’on ait jamais écrits.

On connoissoit les caprices, la marotte, le tic favori de mon oncle Tobie. C’étoit à cela, jusqu’à présent, que j’avois borné l’esquisse de son portrait. — Je n’ai pas voulu laisser échapper ce trait marqué de son caractère moral. — Il s’en falloit beaucoup que mon père, ainsi qu’on a déjà pu l’observer, fût doué de cette humeur patiente et tranquille. — Sa sensibilité étoit plus prompte, plus vive, et elle n’alloit jamais sans un peu d’aigreur ; mais cette légère âcreté ne dégénéroit jamais en malice. — Elle s’évaporoit plutôt en saillies, en plaisanteries. Avec cela, mon père étoit d’un naturel franc, généreux, et toujours prêt à se rendre à la conviction ; et dans ses petites ébullitions d’humeur aiguë contre les autres, et surtout contre mon oncle Tobie, qu’il aimoit beaucoup, il sentoit mille fois plus de peine qu’il n’en faisoit ressentir. — Il n’y avoit que l’affaire de ma tante Dinach, et le succès de ses hypothèses, qui le faisoient sortir de son caractère. Oh ! pour cela, rien ne pouvoit le faire fléchir ; il restoit ferme comme un roc.

Son caractère et celui de mon oncle Tobie